jeudi 3 mars 2016

Les crayons : streng verboten au Musée Magritte à Bruxelles, vivement invités au Rijksmuseum, à Amsterdam.

© Rijksmuseum.

J’admire Isabelle Bastait, responsable de la communication aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique. Elle est parvenue à faire taire la polémique des crayons en une seule apparition à la télévision en octobre 2015. Elle s’était pourtant largement internationalisée. Bravo. Bien joué !
Pour mémoire, l’interdiction de dessiner sur un carnet de croquis et de prendre des notes dans les salles d’exposition avait suscité une certaine incompréhension, d’autant que les photographies sont également interdites.
Il est fort probable que le feu ne se serait pas éteint si vite si Michel Draguet, son Directeur Général, avait dit les mêmes choses, qui, il faut bien le dire, sont pour le moins surprenantes.
Voici, entre guillemets, les passages les plus remarquables de l’intervention d'Isabelle Bastaits (toute la séquence peut être vue en cliquant ICI).


Droits des prêteurs
« Les droits des prêteurs sont importants. Nous ne sommes pas propriétaires de toutes les œuvres. Il y a ce droit à l’image que nous devons respecter, parce que, sans prêteurs, il n’y a pas de musées ».
Mais si ! Sans prêteurs, il y avait le Musée d’Art Moderne, fermé depuis le 1er février 2011. Rappelons que les musées européens et américains se sont constitués, pour la plupart sans prêteurs, mais avec des donateurs, souvent autour d’un noyau public.
Il ne s’agit rien moins ici que de la concrétisation du risque annoncé depuis longtemps : les prêteurs privés font la loi ! Ils tiennent à préserver un pseudo droit à l’image, objet de bien des discussions internationales. Ils seront cependant bien heureux de pouvoir se prévaloir d’un dépôt à long terme dans un Musée public lorsqu’il s’agira de vendre leurs tableaux.

Circulation des visiteurs
« Nous devons garantir les flux de visiteurs. Le Musée Magritte n’est pas immense, il s’étale sur 2500 mètres carrés, ce qui n’est pas énorme. Et on a des normes de sécurité, imposées par les pompiers, à savoir un certain nombre de personnes au même endroit au même moment, et on doit respecter ces normes. C’est ça aussi qui fait notre reconnaissance internationale : nous pouvons participer à des expos au niveau international,… ».
La gestion du flux des visiteurs est un problème bien connu dans les grandes expositions temporaires et certains musées particulièrement fréquentés. Il est aussi un facteur de rentabilité, mal qui n’est pas honteux. Le nombre de visiteurs du Musée Magritte est-il si important ? Le Louvre (9 millions de visiteurs par an) autorise les copistes et tout leur matériel le matin. Un crayon et un carnet seraient-ils un obstacle à la fluidité ?

Sécurité
« Les grands musées du monde nous font confiance parce que nous imposons des mesures drastiques de sécurité. Nous sommes vraiment très soucieux de la sécurité, donc s’il n’y a pas un gardien au minimum par salle, nous n’ouvrons pas la salle. C’est un devoir que nous avons vis-à-vis du patrimoine. Tout cela est un cercle vicieux : moins nous avons de moyens, moins on a de libertés à offrir aux visiteurs. Il arrive donc que certaines salles ne soient pas ouvertes au public ».
Doit-on conclure que tous les musées qui autorisent notes, dessin, copie ne sont pas soucieux de la sécurité ? Que dire des musées où il n’y a pas un gardien par salle et de ceux où les caméras exercent seules le contrôle ?
© Rijksmuseum.

Photographie
« Nous autorisons aussi les photos dans tous les autres musées, et nous l’encourageons. Par exemple, nous avons autorisé la photographie au cours de la rétrospective que nous avons consacrée à Marc Chagall, en sachant que dans tous les grands musées du monde, il est habituellement interdit de prendre des photos au cours des expositions temporaires. Donc à côté des interdictions qui semblent bizarres, nous avons des autorisations par ailleurs plus encourageantes ».
La photographie, contrairement à ce qui est annoncé, n’est pas systématiquement interdite durant les expositions temporaires « dans tous les grands musées du monde ». Certes cela existe, mais le plus souvent seules quelques œuvres sont interdites de photographie. Je ne vois pas bien où est l’innovation annoncée.

Pendant ce temps le Rijksmuseum, innove à Amsterdam et invite fortement ses visiteurs à venir armés d’un dangereux crayon pour dessiner des œuvres et rêver. Quelle ignoble perversion !
Qu’aurait bien pu penser Magritte ? Ce pauvre homme si allergique aux marchands du Temple et si bien récupéré par ceux qu’il a chassés.

In het Rijksmuseum zijn mensen die willen tekenen, altijd welkom*
(à voir ICI. Attention regarder cette séquence pourrait choquer les personnes sensibles).

© Rijksmuseum.

Et finalement : une autorisation ou une tolérance ?
Le Blog louvrepourtous.fr annonce le 11 février que le musée aurait annulé ces restrictions le 4 février. Mais il va falloir s’y rendre pour le constater ou téléphoner (ce que je n’ai pas fait) : aucune annonce n’a été publiée sur le site du Musée Magritte au jour de la publication de cet article.
Bonne nouvelle évidemment, personne ne s’en plaindra. Mais une question, au moins, demeure : que deviennent les arguments de sécurité avancés jusqu’au 4 février ?
Ce ne serait donc qu’une question de droits des prêteurs ?

* Au Rijksmuseum, les visiteurs qui souhaitent dessiner sont toujours les bienvenus.

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